LA FONCTION MAGIQUE DE L'OEIL Par Bénédicte Le Pimpec




The Magic function of the eye.
  
‹‹The first image she talked to me about, is one from the midnight sun in her memory after a trip to the pôle. Just like Sandor Krasna, the cameraman of Sans Soleil, Emmanuelle Nègre explores the world in search of images, in order to find landscapes seen somewhere in the bottom of a box of slides or on rolls of film. It is not a question here of bringing together the relics or phenomena observed during her journeys, but rather to recall them, to recollect pieces. She acts like a destroyer to better reconstitute, questioning the methods of cinema from the panorama to the super eight through the flipbook. She accelerates or stops the scolling of the images to grab, to re experiment manually, creating as a crazy amateur scientist, new methods disrupting the balance of the visible to the invisible. This fascination for the image that carries Emmanuelle Nègre in all her pieces is most performed by the means of a machine. This machine does not proceed as a way of duplication but as the deformation of the image, a reconsideration of a shape, which becomes unique under the process of the artist. ...››
by Bénédicte Le Pimpec

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Texte original en Français

La Fonction Magique de l'oeil
“La première image dont il m’a parlé, c’est celle de trois enfants sur une route en Islande en 1965’’. Sans soleil, Chris Marker, 1982.

La première image dont elle m’a parlée, c’est celle du soleil de minuit, enchâssé dans sa memoire après un voyage au pôle. Tel Sandor Krasna, le caméraman de Sans soleil, Emmanuelle Nègre explore le monde à la recherche d’images, afin de retrouver des paysages vus quelque part au fond d’une caisse de diapositives ou sur de vieilles bobines de films. Il ne s’agit pas ici de reconstituer les souvenirs ou phénomènes observés lors de ses voyages, mais plutôt de les convoquer, de se remémorer des fragments. Elle agit comme un destructeur pour mieux recomposer, s’interrogeant sur les procédés du cinéma allant du panorama à la super 8 en passant par le flipbook. Elle accélère ou arrête le défilement des images pour s’en saisir, pour ré-expérimenter manuellement, inventant tel un scientifique amateur fou, de nouveaux procédés perturbant l’équilibre du visible à l’invisible.
Cette fascination pour l’image que transporte Emmanuelle Nègre dans toutes ses pièces, s’effectue le plus souvent par le biais d’une machine. Cette dernière ne procède non pas comme moyen de reproduction mais comme déformation de l’image, remise en cause d’une forme qui devient unique sous le traitement de l’artiste. Répétant inlassablement le même mouvement, la machine folle présentée ici profite de notre persistance rétinienne pour nous administrer ses multiples flashs, nous imprimer ses projections. Vidée à l’extrême de tout ce qui apparaît comme la traduction du visible, l’installation nous renvoie une image saturée, ruinée. Il ne nous reste plus qu’un dispositif, cassant radicalement avec le sublime de son inspiration première, créant une évocation mécanique invraisemblable, rompant par là même avec la notion de décorum, et nous impliquant sans doute trop dans l’expérience pour pouvoir nous faire voir au delà de la mise en scène.

Par Bénédicte Le Pimpec